CHEMINEMENT D ECRITURE

Mon premier livre sort. Son écriture a été toute une aventure. Il a mis de longs mois à germer dans ma tête avant que je prenne la décision de me mettre devant la page blanche.

Cette période de gestation a été aussi pour moi le moment où il a fallu que j’affronte la terrible nouvelle d’un cancer et je me mette en mode « warrior » pour passer toutes les étapes d’une opération et de traitements lourds.

Pendant que je vivais tout cela, une partie de moi était en veille comme un spectateur attentif de tout ce que ma psyché et mon corps me disaient. C’était ma manière à moi de prendre du recul sur tout ce qui m’arrivait.

La thérapeute en moi n’a pas pu s’empêcher de se mettre à mon propre service pour écouter, entendre et prendre soin.

L’hypnothérapeute en moi a fait aussi son travail et j’ai traversé cette maladie avec le soutien de l’auto hypnose.

Et puis la fin des traitements est arrivée. Cela s’est produit pour moi pendant le premier confinement lié à la covid. L’après-cancer est une période vraiment délicate. Le corps et la psyché ont subi de grands coups et une énorme fatigue physique et morale s’installe. C’est le fameux contre coup d’après la bataille.

Un énorme sentiment de vide s’installe et ma manière à moi de traverser tout cela a été de m’asseoir tous les matins à mon bureau à l’écriture de mon livre. J’ai tout de suite su que ce n’était pas un livre de témoignage que j’allais écrire, mais bien un livre de thérapeute qui sait de quoi elle parle au nom de ce qu’elle a vécu et au nom de ses connaissances professionnelles. Un livre à destination des malades pour leur faire du bien avec l’hypnose comme principal outil. Au départ je ne me sentais légitime que d’écrire pour des femmes qui comme moi allaient devoir traverser un cancer du sein.

Au début de l’écriture, j’ai laissé ma plume choisir par-ci par-là les thèmes qui me semblaient importants. Lorsque j’avais choisi un thème : l’annonce du diagnostic par exemple, je commençais à lire des ouvrages et à écouter des conférences sur le sujet. Mon intention était de pouvoir vulgariser les notions que j’abordais, en me focalisant sur l’unique intention de prendre soin du lecteur.

Ce fut un travail très long et passionnant, fait d’apprentissages, de ratures, d’hésitations, de corrections de relectures pour arriver à synthétiser une pensée forcément complexe puisque tous ces sujets sont complexes. Chaque phrase devait pouvoir être comprise par n’importe qui et lui permettre de réfléchir à ce qui se passe et ainsi reprendre une partie de sa vie en main malgré son statut de « patient » « malade ».

Je voulais aussi pouvoir offrir des audios directement accessibles sur le livre qui sont autant d’hypnose que les personnes peuvent écouter à loisir et en fonction de leurs besoins.

Cela signifiait pour moi de mettre en place deux écritures totalement différentes : le langage écrit : ce qui allait être lu dans le livre et le langage parlé et ce qui allait être écouté dans les scripts hypnotiques que l’on allait pouvoir télécharger en audio.

Cela demandait donc deux styles d’écritures tout à fait différents :

ª L’écrit s’adresse au mental du lecteur en lui apportant du contenu simple, explicatif qui a pour visée de lui permettre de comprendre, de réfléchir et de prendre du recul. Pour cette partie-là, j’ai choisi un style précis, informatif et concret, simple et épuré.

ªLes audios s’adressent à l’inconscient des personnes. Pour les audios j’ai choisi un style rédigé en langage parlé, métaphorique et hypnotique, riche et foisonnant.

Il a fallu que je construise des hypnoses pas tout à fait comme cela se passe avec une personne dans une rencontre à mon cabinet. L’hypnose que je pratique en cabinet est une hypnose qui ne se prépare pas, qui n’est pas écrite d’avance et qui vient se coller le plus près possible de la personne avec tous les éléments que j’ai à ma connaissance et à son objectif à elle. C’est ça qui est passionnant dans mon métier : chaque personne est unique et chaque séance d’hypnose est donc unique elle aussi.

Pour ce livre, il a fallu que je passe de l’unique à l’universel : écrire des scripts hypnotiques qui puissent convenir à tout le monde avec un objectif pré déterminé.

Cette écriture-là fut passionnante.  Pour y arriver, je n’avais qu’un seul moyen :  me connecter à l’universel que sont les émotions, les sensations et les besoins. Tous les êtres humains traversent cela avec leur propre représentation du monde, mais c’est ce chemin-là qui nous relie tous en humanité.

Ce premier travail d’écriture s’est fait pendant les 6 premiers mois.

La période d’été est arrivée. La covid nous a laissé un peu de répit et de souplesse et j’ai pu partir quelques jours en province chez mon fils et ma belle-fille. Mon fils a pris le temps de lire attentivement l’ébauche du livre et m’a fait un beau feedback :

« Ton livre ne s’adresse pas seulement aux femmes qui traversent un cancer du sein, mais bien à toutes les personnes qui traversent une longue maladie. Si tu faisais un livre plus comme un manuel avec pour chaque thème comme une fiche avec des explications, des exercices et des hypnoses spécifiques aussi bien sur toute la partie psychologique que pour toute la partie physiologique commune à toute personne qui est malade, ton livre serait encore plus éloigné de ce que tu as vécu et du coup encore plus aidant pour un plus grand nombre de personnes. Y compris pour les proches. »

Je sais dans mon métier que tout coule de source quand on a fixé clairement l’objectif. Ce fut vraiment aidant que mon fils me rappelle ce fondamental là de la gestion de projet.

Et me voilà reparti pour une seconde écriture :  le gros du travail était déjà fait, mais j’ai vraiment construit la pédagogie de ce livre sur ces critères-là :

Ce livre est conçu comme un manuel qui peut se lire à son gré, en fonction des besoins du lecteur. Chaque thème propose des explications, des conseils, des exercices et des hypnoses spécifiques reliées au thème.

En novembre le contenu du livre et l’écriture des audios étaient terminés. A commencé alors une autre phase de ce livre :

L’enregistrement des audios et la réflexion autour des illustrations et de la présentation esthétique du livre.

J’ai vite compris que les audios devaient s’enregistrer de manière continue sans faire des arrêts au milieu des hypnoses sous peine d’être immédiatement incongruente dans le ton de ma voix. Alors je ne peux pas compter le nombre de ratages il y a eu, combien d’enregistrement j’ai mis à la corbeille !

Une phrase ou ma langue fourche, le bruit d’un avion, un enregistrement fini où je me suis aperçue que je n’avais pas mis le bouton du micron sur on, un facteur insistant sur la sonnette de la porte d’entrée qui me fait perdre ma concentration. J’ai fait refait défait, refait. Le résultat n’est pas parfait…. Loin de là. Il y a encore des moments où j’ai une diction non parfaite. C’est le prix à payer pour une hypnose authentique où je vis ce que je dis à la fois consciemment et inconsciemment aussi.

Une fois les enregistrements faits, j’ai confié à deux de mes fils toute la partie « informatique » de la gestion des enregistrements : nettoyage de la bande son de tous les bruits parasites, hébergement des scripts, mise en place des QR code pour que les lecteurs trouvent les 37 hypnoses facilement téléchargeables en audio dans le livre.

Et puis comme un livre dit aussi beaucoup par sa pagination, par le choix de la typo, et aussi par les illustrations ,  mon dernier fils  a su mettre en valeur le contenu écrit et oral de ce livre avec professionnalisme et délicatesse. Là encore ce fut un grand nombre d’allers et retours, d’hésitations et d’essais avant de se décider.

Vous comprenez que cette aventure-là est familiale aussi. J’ai la chance d’avoir un mari et trois fils qui m’ont soutenu de manière incroyablement puissante pendant toute la période de ma maladie et ils se sont aussi tout de suite portés volontaires pour m’aider chacun avec sa zone de compétence professionnelle pour la réalisation du livre :

L’ainé est un professionnel de la relation d’aide,

Le second un professionnel en informatique,

Le troisième est graphiste désigner.

 Vous avouerez quelle chance j’ai eu de les avoir et combien cela a été vraiment riche aussi sur le plan familial de nous souder pendant la maladie et pendant la finalisation de ce travail. 

Et puis, un jour, le livre est fini.

J’ai eu le « Bon A Tirer » dans les mains et j’ai admiré le fruit de tout ce travail.

Tout fonctionne facilement. Tout me semble cohérent.

Quelle joie ce fut pour moi !

Aujourd’hui, ce livre commence tout doucement sa vie autonome. Je suis en train de m’apercevoir qu’il faut maintenant mettre en œuvre de nouvelles compétences, que je n’ai pas, en communication. C’est bien maladroitement que je cherche maintenant à le diffuser, à l’éditer pour que des personnes malades puissent bénéficier du modeste soutien que ce livre pourrait leur apporter. Si vous avez la possibilité de m’ouvrir des portes, j’en serai ravie. J’espère aussi que le bouche à oreilles fera son travail.

Je vais maintenant le regarder grandir et se déployer à son rythme avec un sentiment de joie profonde. Tout à fait consciente que le chemin de résilience qu’il propose aux malades m’a permis d’avancer sur mon propre chemin de résilience.

Isabelle Flye Sainte Marie

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