Le coaching guimauve

guimauve

 

La lecture des livres sur le coaching commence souvent par un énoncé philosophique que l’on pourrait résumer en caricaturant à

« L’homme est fondamentalement bon »

ou

« Modélisons ce qui fonctionne dans l’homme accompli pour construire des relations ok- ok »

 

Je ne doute pas un seul  instant que cela a un intérêt. La vision positive nous entraine vers le futur et l’atteinte de nos rêves et de nos projets. Je passe mon temps professionnel à m’appuyer sur cette pensée positive. C’est une visée de développement qui nous entraine vers le haut et vers un avenir meilleur.

Mais pour autant s’il l’on regarde le terreau humain, la réalité est tout autre.l’homme est sans cesse traversé par  quatre émotions fondamentales (certaines écoles disent qu’il y a 5 émotions de base) : la joie, la colère, la peur et la tristesse.

 

La joie mène à la paix, à la compassion, à l’altruisme, à la coopération.

Les trois dernières émotions nous entrainent , elles , vers des stratégies de lutte, de replis sur soi, de mise en sécurité du danger, de culpabilité, de doute, de comparaisons faites par notre ego (je suis moins bien ou je suis meilleur) , de conflit d’intérêts ,de défiance,  de pouvoir , de défense de territoire , de non-dits ,de masques , de mensonges , de manipulations, d’ironie ou de cynisme.

 

Il serait vain de le nier, il serait vain de croire qu’un changement collectif et durable pour que les groupes humains soient en paix toujours soit possible. Tout simplement parce que nous sommes faits de ce terreau d’émotions.

Ceux qui veulent ce changement collectif sur terre, pour tous et tout le temps, aboutissent in fine à la construction de sectes ou de totalitarismes : Paradoxe suprême du pouvoir basé sur une utopie.

Les religions ont nommé dans leur langage propre ce lieu de la joie pure à venir: le royaume des cieux, le nirvana, le fana …Je crois que l’on  peut y gouter pour des moments rares, mais je crois aussi que c’est un leurre de croire qu’il est possible d’y être totalement dans ce monde.

Le développement personnel comme d’autres écoles peuvent avoir le risque aussi d’imposer un mode de pensée ou d’agir collectif qui mène elle aussi vers des lavages de cerveau,  à la sauce « bienveillance guimauve ».

Le coaching que je pratique est rarement, hélas,  d’entrainer les personnes vers plus d’altruisme, de confiance, mais  bien plus souvent de les accompagner pour tenir la tête hors de l’eau  dans des organisations de plus en plus maltraitantes ou l’on doit savoir  décoder les stratégies de manipulations, d’humiliation et des pratiques managériales répondant à des visions  court termistes ou individualistes . Ces personnes viennent à ma rencontre pour pouvoir  y faire face.

Elles sont souvent celles qui ont de si grandes qualités humaines, qu’elles se laissent prendre au piège des organisations déshumanisées ou désenchantées : Des personnes qui ne comptent pas leurs heures, qui sont loyales et engagées dans le travail. Des personnes qui ne comprennent plus les logiques de process si éloignées de la réalité terrain. Des personnes qui ne savent pas décoder les jeux de pouvoir et qui laissent leur travail profiter à d’autres.

 

Je crois aussi qu’il ne faut pas nier , que d’autres personnes dans le monde de l’entreprise sont dans d’autres logiques. Des logiques non écologiques, non éthiques de manière inconsciente parfois, consciente et même perverse pour d’autres.

Ce que je dis là n’est sans doute pas politiquement correct dans la bouche d’une coach qui serait censée annoncer l’ère du bien-être au travail.  Sans doute suis-je à un âge où je peux en toute transparence dire cela parce que la crainte que cela me nuise m’a totalement quittée…

A la place d’un coaching guimauve , en entreprise,  j’utilise tout ce que je peux avoir dans ma besace de coach pour activer le sens des responsabilités , pour permettre aux personnes de décoder les messages et pour assumer des choix éthiques , bons pour eux , pour les personnes avec lesquelles ils travaillent en toute loyauté pour l’organisation .

Mes interrogations candides permettent aux personnes individuellement ou en groupe de repartir du terrain et de rester tout le temps connectées aux réalités concrètes, pour ensuite se projeter vers des améliorations réalisables.

Je pratique un coaching plus confrontant qui se sert  des peurs, des colères et des tristesses comme un thermomètre qui mesure l’état des relations interpersonnelles. J’utilise moi aussi mes peurs, mes colères et mes tristesses comme feedback quand cela est nécessaire.

Confrontation  et bienveillance peuvent se marier quand on croit, comme moi, que le  monde a  aujourd’hui particulièrement besoin d’authenticité et de courage.

C’est toujours une grande joie pour moi de voir les personnes et les groupes prendre le temps du recul nécessaire à des réflexions de fond et de profiter de ces moments pour renforcer les liens interpersonnels.

 

Être Confrontant et bienveillant en même temps n’est-il une belle manière de conjuguer le verbe aimer ? Qu’en pensez vous ?

Isabelle Flye Sainte Marie

Juillet 2016

 

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